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Dernière mise à jour le 14 aout 2016

 

 

 

Les premiers pas vers la ligne à grande vitesse de BORDEAUX à TOULOUSE

 

Le présent article est extrait du livre :

Les liaisons ferroviaires entre Bordeaux et Toulouse

Sans titre

 

 

Les premières lignes à grande vitesse

 

La SNCF ouvre la voie de la grande vitesse en établissant le record du monde sur une ligne de l’ancien réseau de la Compagnie du Midi : 331 km/h. C’était les 28 et 29 mars 1955, entre Lamothe et Morcenx. Ainsi la démonstration technique était faite…

 

Le premier projet de ligne à grande vitesse émerge au sein de la SNCF dix ans plus tard pour une liaison de Paris vers le Nord. Finalement, c’est la ligne de Paris à Lyon qui sera la première réalisation : approuvée en 1971, et mise en service en 1981. Le projet répondait à un double objectif, augmenter la capacité de la ligne existante, et améliorer le service offert aux voyageurs entre Paris et Lyon. Ce fut un franc succès qui ouvrait la voie à une deuxième réalisation française : la ligne Atlantique en 1989. Il faudra attendre 1993 pour que le projet pionner de Paris vers Lille soit réalisé, en même temps que le tunnel sous la Manche, les sorts des deux projets ayant été liés. Le réseau à grande vitesse commence à prendre forme avec la construction de la jonction Ile de France en 1994.

 

 

Des schémas directeurs pour un réseau de lignes à grande vitesse

 

L’idée de créer un réseau de lignes à grande vitesse avait germé dès les premiers succès du TGV, tant au niveau français qu’au niveau européen. Le sigle TGV (Train à Grande Vitesse) désignait à l’origine le système grande vitesse englobant infrastructure et trains. Ainsi, en 1985, les compagnies de chemins de fer et les instances européennes joignent leurs efforts pour engager une réflexion commune qui conduira à publier, le 30 juin 1986, le rapport de la commission européenne « Vers un réseau européen de trains à grande vitesse ». Dans ce dossier, la liaison de Bordeaux à Toulouse et Marseille figure comme élément d’interconnexion entre les liaisons de Paris à Bordeaux et Madrid d’une part, et de Paris à Marseille d’autre part, sans être classée prioritaire à l’horizon 2020 comme celles-là. Finalement ce rapport donnera lieu à l’adoption par le Conseil des ministres européens, en décembre 1990, d’un schéma directeur des TGV européens. Et cette vision européenne se maintiendra au fil du temps en mettant l’accent sur les sections internationales, comme Dax-Madrid identifiée comme prioritaire dans la décision européenne du 23 juillet 1996.

 

La comparaison de la carte ferroviaire telle qu’elle ressort de la loi de 1842 avec celle du rapport de la commission de 1986 pour ce qui concerne la partie française, fait apparaître une seule différence notable. Elle concerne la relation ferroviaire entre Bordeaux, Toulouse et Marseille. En effet celle-ci était une priorité lors de la construction du réseau français mais a été omise par les concepteurs du réseau européen et l’on peut regretter cette omission de la part des experts et des rapporteurs. Le schéma directeur français corrigera cet écart comme nous allons le voir.

 

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Carte des priorités ferroviaires de la loi de 1842                   Vision européenne du réseau ferroviaire grande vitesse en 1986

 

En effet, en parallèle de la démarche européenne, la France a élaboré un schéma directeur des liaisons ferroviaires à grande vitesse. Mis à l’étude en 1989, il sera adopté par le comité interministériel d’aménagement du territoire du 14 mai 1991 et publié par un décret en date du 1er avril 1992. Il s’agissait du premier schéma directeur étudié en vertu des dispositions de la loi d’orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982. Des schémas directeurs d’infrastructures devaient ainsi être établis par l’Etat pour assurer la cohérence à long terme des réseaux pour les différents modes de transports et pour définir les priorités en matière de modernisation, d’adaptation et d’extension des réseaux.

 

L’élaboration du schéma directeur des liaisons ferroviaires à grande vitesse a fait l’objet d’une procédure de consultation menée dans une période d’euphorie. Il comprend seize projets nouveaux, représentant 3 500 kilomètres de lignes où les trains rouleront à 300 km/h ou plus pour un investissement global évalué à environ trente milliards d’euros pour les infrastructures et cinq pour le matériel roulant. La liaison de Bordeaux à Toulouse est présente dans cette première vision du réseau français à grande vitesse, sous l’appellation TGV Grand Sud reliant Bordeaux à Toulouse, Montpellier, Marseille et la Côte d’Azur. Mais aucune échéance n’est fixée pour la réalisation des lignes. Le schéma directeur s’avère être une déclaration d’intention plus qu’un effort de programmation de la dépense publique. Il permet toutefois d’assurer la cohérence entre les perspectives de développement du réseau ferroviaire français et les projets adoptés au niveau européen.

 

Le rapport de M. Rouvillois en 1996 sur les modalités de mise en œuvre du schéma directeur de 1991 confirme que ce schéma s’est révélé irréaliste du fait de la conjugaison de l’augmentation du coût de construction et de la surestimation des recettes attendues. Les hypothèses financières se fondaient sur un coût kilométrique de construction pouvant varier entre 4,6 et 10,7 millions d’euros selon la complexité des ouvrages spéciaux à réaliser. Aux conditions économiques de 1994, le coût de la ligne à grande vitesse Atlantique est de 5,2 millions d’euros au kilomètre ; 6,1 pour la ligne à grande vitesse Nord ; 8,4 pour la ligne à grande vitesse Rhône Alpes ; 14 pour la ligne à grande vitesse Méditerranée. Le renforcement des obligations réglementaires et les exigences croissantes pour l’insertion des lignes nouvelles expliquent la progression des coûts qui touche, dans la même période, l’ensemble des infrastructures de transport en Europe. Il en résulte que pour les autres lignes du schéma directeur, une fois les estimations révisées, aucun des projets n’a de rentabilité suffisante pour pouvoir être financé sans une contribution importante des collectivités publiques.

 

 

 

 

 

 

 

Le débat public pour la ligne à grande vitesse de Bordeaux à Toulouse

 

Si des réalisations partielles du schéma directeur de 1991 avaient eu lieu, rien n’avait bougé pour la liaison de Bordeaux à Toulouse à l’époque du rapport de 1996, et il faut attendre décembre 2002, pour que le Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire prévoit la réalisation des études concernant la liaison ferroviaire de Bordeaux à Toulouse et Narbonne afin qu’un débat public puisse avoir lieu.

 

La même année 2002, Réseau ferré de France avait engagé la réalisation d’une étude d’amélioration des services ferroviaires sur l’axe de Bordeaux à Toulouse et Narbonne, ceci dans le cadre des contrats de plan Etat-Région des trois régions concernées. En conclusion de cette étude, la réalisation d’une ligne à grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse fut jugée pertinente comme première étape de l’aménagement complet de l’axe. Anticipant les conclusions de l’étude, le Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire du 18 décembre 2003 inscrit la ligne à grande vitesse de Bordeaux à Toulouse sur la carte des infrastructures  à long terme, en annonçant un débat public en 2005.

 

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Les principaux projets ferroviaires en 2003

 

Les études sont ensuite réalisées par Réseau ferré de France en 2004 pour approfondir les aspects fonctionnels, socio-économiques, techniques, environnementaux et relatifs à l’aménagement du territoire à un niveau suffisant pour permettre au public le plus large possible de débattre du projet en connaissance de cause. Confié à la Commission nationale du débat public, le débat s’est déroulé sur la base de ces études, entre juin et novembre 2005.

 

Les grandes attentes vis-à-vis du projet telles qu’elles ressortent du dossier du maître d’ouvrage, dont on ne peut que recommander la lecture, sont au nombre de cinq :

- Assurer une part croissante des déplacements de voyageurs sur la liaison ferroviaire radiale de Toulouse à Bordeaux et Paris.

- Participer au développement de l’axe transversal de l’Atlantique à la Méditerranée.

- Favoriser une desserte équilibrée des territoires traversés.

- Permettre le développement des transports ferroviaires régionaux de voyageurs.

- Accroître les possibilités de développement du transport ferroviaire de marchandises.

 

Deux grands projets ferroviaires structurants étaient pris en considération pour la conduite des études : la ligne à grande vitesse de Tours à Bordeaux, et la suppression du bouchon ferroviaire de Bordeaux permettant de dégager de la capacité au nord de la ville. Par contre, la réalisation d’une ligne nouvelle entre Bordeaux et Hendaye, bien que présente sur la carte des infrastructures à long terme, n’était pas envisagée pour la même échéance. Elle n’était donc ni prise en référence, ni étudiée à un niveau suffisant pour un débat public. Par contre, fort opportunément, l’une des options de passage étudiée pour la ligne de Bordeaux à Toulouse présentait une partie commune avec l’une des hypothèses étudiées dans le cadre du projet de développement de la ligne à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique vers l’Espagne. Notons aussi, qu’un projet d’établissement d’une nouvelle plateforme aéroportuaire à Toulouse était dans le paysage du débat public, d’une certaine façon en concurrence avec le projet ferroviaire de ligne à grande vitesse.

 

L’objet du débat public est d’orienter les choix fonctionnels de la ligne à construire en comparant des scénarios de desserte. Le premier choix fonctionnel consiste à relier les deux capitales régionales en une heure, avec une ligne nouvelle d’environ 210 kilomètres et permettant la circulation des trains à 320 km/h. Le projet prévoit la desserte des deux métropoles régionales par leur gare existante moyennant les aménagements d’accès qui s’imposent. D’autre part, la question était posée de la desserte des grandes agglomérations intermédiaires, Agen et Montauban, par leur gare existante ou par une gare nouvelle. Ceci donne donc lieu à quatre scénarios fonctionnels.

 

Le débat public a permis d’éliminer deux scénarios du fait de la préférence marquée des acteurs locaux pour une gare nouvelle à Montauban. Sa localisation au sud de la ville s’intègre harmonieusement dans la dynamique d’extension de la ville. En outre, le rapprochement des tissus urbains de Montauban et de Toulouse permet d’imaginer pour cette gare nouvelle une vocation allant au-delà de la desserte locale par le fait de la facilité relative d’accès à la gare nouvelle, comparé à l’accès au centre ville de Toulouse.

 

La gare nouvelle d’Agen n’a pas pu réunir le même consensus à l’époque du débat public de sorte que la question reste ouverte au début des études de tracé engagées pour la préparation de l’enquête d’utilité publique et une décision devra être arrêtée dès le début de ces études pour ne pas multiplier les coûts, ni compromettre les délais. Notons toutefois que la solution consistant à n’utiliser que la gare existante pour toutes les dessertes ferroviaires, n’est pas à recommander du point de vue strictement ferroviaire, tant pour les coûts de construction que pour les possibilités d’évolution de la desserte d’Agen sur la durée de vie de l’infrastructure nouvelle.

 

Le bilan socio-économique du projet confirme son intérêt, avec une très faible différence entre les quatre scénarios de desserte soumis au débat. Compte tenu du niveau de précision de ces études, le choix d’un scénario ne s’impose pas du fait de l’étude économique, mais il relève d’une logique d’insertion dans l’environnement et le cadre de vie, et des politiques d’aménagement du territoire.

 

Pour le tracé de la ligne, trois options de passage sous forme de bandes de dix kilomètres de large ont été soumises au débat. Notons toutefois que la plus grande partie du tracé, du nord de Toulouse jusqu’au sud de Port-Sainte-Marie comporte une seule option de passage. Par contre pour le reste du parcours, les tracés sont, pour l’un au nord de la Garonne, pour l’autre à proximité de l’autoroute longeant la Garonne par le sud, et le troisième encore plus au sud en passant à hauteur de Captieux. Cette dernière option est la plus économique compte tenu des moindres difficultés de réalisation que l’on peut rencontrer sur le parcours et elle est adaptée à la réalisation d’un tronc commun pour un prolongement vers l’Espagne. Le débat public de la ligne à grande vitesse de Bordeaux à Toulouse n’a pas permis d’éliminer l’une ou l’autre de ces options.

 

A l’issue du débat public et après la remise du rapport de la Commission du débat public, le Conseil d’Administration de Réseau ferré de France a décidé le 13 avril 2006, de poursuivre les études avec comme prochain objectif, la réalisation d’une enquête d’utilité publique.

 

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Les options de passage pour la LGV Bordeaux-Toulouse

 

 

 

 

 

 

 

Le tronc commun de Bordeaux vers Toulouse et l’Espagne

 

Un autre débat public, celui relatif aux liaisons ferroviaires entre Bordeaux et l’Espagne s’est tenu entre août et décembre 2006, en application de la décision du Comité interministériel du développement et de l’aménagement du territoire de 2003. Le débat était plus complexe car englobant des problématiques fret et voyageurs.

 

A l’issue du débat public et après la remise du rapport de la Commission du débat public, le Conseil d’Administration de Réseau ferré de France a décidé, le 8 mars 2007, de poursuivre les études avec comme prochain objectif, la réalisation d’une enquête d’utilité publique, en prenant en compte un tracé de ligne nouvelle par l’est des Landes permettant de réaliser un tronc commun avec la ligne à grande vitesse de Bordeaux à Toulouse.

 

Le projet de ligne nouvelle de Bordeaux à Hendaye se place dans un programme global d’amélioration des liaisons ferroviaires de l’axe, comprenant des études d’amélioration des performances de la ligne existante, des études d’amélioration de la desserte du bassin d’Arcachon, et les études de mise en cohérence des projets français et espagnol de part et d’autre de la frontière.

 

Pour ce qui concerne la ligne nouvelle proprement dite, les caractéristiques fonctionnelles du projet sont plus complexes que celui de la ligne à grande vitesse de Bordeaux à Toulouse, du fait qu’elle doit être conçue pour recevoir des trains de fret dont les exigences de performance sont sensiblement différentes de celles requises pour des trains à grande vitesse. Plus précisément, entre Bordeaux et Dax, la ligne doit permettre des circulations de trains voyageurs à 320 km/h, avec des mesures conservatoires pour l’utilisation ultérieure par des trains régionaux à grande vitesse et des trains de marchandises. Au sud de Dax, la ligne accueillera des trains de marchandises et des trains de voyageurs pouvant circuler à 220 km/h. Plusieurs raccordements sont prévus : vers Pau, au nord et au sud de Dax, et au nord de Bayonne. Deux gares nouvelles doivent être étudiées pour desservir Mont-de-Marsan et le Pays Basque. Pour ce qui concerne Dax, l’option gare nouvelle ou gare existante reste ouverte.

 

Le tronc commun avec la ligne à grande vitesse de Bordeaux à Toulouse conduit à exporter les contraintes de la mixité des circulations sur le projet Bordeaux-Toulouse, mais permet aussi d’envisager un raccordement entre la branche vers Bayonne et celle vers Toulouse, au niveau de son extrémité sud pour assurer des liaisons directes entre ces deux villes sans passer par Bordeaux.

 

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Superposition des options de passage Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne

 

 

 

 

 

 

 

La liaison ferroviaire de Bordeaux à Toulouse et Narbonne

 

Une étude d’amélioration des services ferroviaires sur l’axe de Bordeaux à Toulouse et Narbonne a été menée par Réseau ferré de France dans le cadre des contrats de plan Etat-Région de l’Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon en 2002 et 2003.

 

Les objectifs d’amélioration visaient à répondre aux attentes, d’une part des voyageurs longue distance et moyenne distance entre les métropoles régionales, ainsi que périurbains, et d’autre part des chargeurs de fret longue distance et local, le tout à l’horizon 2020. Cinq familles de scénarios ont été conçues et comparées au regard de leurs effets sur les différentes catégories de trafic, de leur efficacité économique, des impacts environnementaux et territoriaux. Deux scénarios portaient sur l’aménagement plus ou moins lourd de la ligne existante, les trois autres étaient basés sur la création d’une ligne nouvelle à grande vitesse sur une partie ou sur la totalité de l’axe.

 

Le bilan d’analyse des scénarios au regard des investissements nécessaires a montré le gain de service plus élevé apporté par l’introduction d’une ligne nouvelle de Bordeaux à Toulouse ou de Bordeaux à Toulouse et Narbonne. De plus, l’analyse des contraintes liées à l’environnement et à l’insertion dans le cadre de vie montrait la faisabilité du projet. Aussi, la création d’une ligne nouvelle selon l’un de ces deux scénarios permet de disposer d’une offre suffisamment attractive en terme de temps de parcours et de fréquence des dessertes, pour obtenir une véritable massification des transports.

 

En conclusion de cette étude, la pertinence de la réalisation d’une ligne à grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse, comme première étape de l’aménagement complet de l’axe de Bordeaux à Toulouse et Narbonne a été validée, les aménagements du nœud ferroviaire de Toulouse et au sud de Bordeaux constituant les compléments nécessaires pour libérer de la capacité pour les deux lignes : nouvelle et existante.

 

Au moment où les études sont engagées pour la préparation de l’enquête d’utilité publique de la ligne à grande vitesse de Bordeaux à Toulouse, l’engagement d’une concertation ou d’un débat public pour le prolongement de Toulouse à Narbonne est un sujet d’actualité qui doit être considéré dans le cadre global qui est le sien : les lignes à grande vitesse entre Bordeaux, Montpellier et Barcelone.

 

 

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Sources iconographiques : P. Castan ; Commission européenne